lundi 30 décembre 2013

Un coup d’œil sous le capot - On Mighty Thews / Barbarians of Lemuria

Avant-propos: comme le blog de la Cellule a son Garage, j'ai décidé de mettre moi aussi les mains dans le cambouis en allant trifouiller dans les rouages de quelques jeux de rôle à ma disposition. Ainsi pour faire suite à mon article sur les briques élémentaires du jeu de rôle, j'ai décidé de décortiquer deux jeux de Sword & Sorcery avec des systèmes relativement simples: On Mighty Thews et Barbarians of Lemuria. Je vais scruter ces deux jeux sous différents aspects: la création des personnages, la mise en place du contexte, les principes de maîtrise du jeu, l'opposition, la résolution des conflits et la progression des personnages. A l'aune de tous ces éléments nous pourrons alors statuer si toutes les belles promesses annoncées sur la couverture sont tenues... Belle carrosserie en tout cas...hum Megan, veux-tu bien soulever le capot du premier jeu ? Merci...



On Mighty Thews



La quatrième de couverture du jeu annonce: "Vos héros seront de puissants guerriers, aventuriers ou sorciers faisant face à des périls où ils pourront y laisser leur peau. Mais ils rencontreront aussi des civilisations exotiques, de sombres créatures et d'anciennes magies. On Mighty Thews permet à vous et à vos amis de raconter d'étranges et sanglantes histoires de Sword & Sorcery dans un monde que vous aurez créé ensemble. Parfait pour une partie sur le pouce, ne demandant aucune préparation, vous pouvez y jouer quelques minutes après avoir ouvert le livre."

Voyons si toutes ces promesses sont tenues...



Création des personnages
Pour créer son personnage il suffit de répartir les valeurs d4, d8 et d12 entre les 3 traits Guerrier, Sorcier et Aventurier, de créer ensuite 2 compétences à d6 et d10 et enfin un trait de caractère à d20. Choisissez un nom, un semblant d'historique et voilà !

Mise en place du contexte
Aucun univers n'étant décrit dans OMT c'est aux joueurs de le créer. Pour cela on écrit sur une feuille blanche les différents traits de caractère des personnages sur ce qui va devenir la carte de la région où les personnages vont évoluer. Chaque joueur ajoute ensuite à son tour d'autres éléments sur la carte, en se basant sur ses connaissances et ses références littéraires en matière de Sword & Sorcery. En cas de panne d'imagination, il est aussi possible de s'aider de la liste des lieux en fin d'ouvrage. Enfin, le MJ choisit un des lieux créés pour démarrer la partie.

Principes de maîtrise 
Le MJ établit où sont les PJs, décrit la scène et l'environnement, quels autres personnages non joueurs sont présents et décide des réactions de ces PNJs. Les joueurs fixent les objectifs de leur personnage pour cette scène, ce qui les a amené là, apportent des détails et décrivent leurs actions, et ce tout en essayant d'atteindre leur objectif. La scène se termine quand l'objectif est atteint ou quand tous les personnages ont échoué. A noter que si un joueur fait agir son personnage selon son trait de caractère lors de la scène, il obtient un jeton de relance lui permettant de relancer un jet à tout moment.

Opposition
Elle prend la forme de PNJ mineur ou majeur. Pour tuer ou sortir d'une scène un PNJ mineur il faut lui infliger 1 blessure et 4 blessures pour un PNJ majeur (comme pour les PJs). Les PNJs mineurs disposent d'un seul trait avec une valeur de dé fixée selon la difficulté souhaitée par le MJ. Les PNJs majeurs eux disposent d'un trait et de deux compétences à d6 et d10.

Résolution des conflits
Pour résoudre une action il suffit de lancer les dés correspondant au trait adéquat, à la compétence si elle peut être utilisée et au trait de caractère si le personnage agit à son encontre. On fait appel à ce système de résolution quand:
  • quelque chose de dangereux est effectué, la réussite est obtenue si un dé obtient une valeur de 4 ou +,
  • quand deux adversaires veulent faire la même chose ou se combattent, on commence alors par définir l'enjeu ou par décrire l'intention de l'action de combat, celui qui obtient le résultat le plus élevé l'emporte et s'il s'agit d'un combat occasionne 1 blessure à son adversaire.
Puis par point de succès supplémentaire (c'est à dire par tranche de 2 points au-dessus du seuil ou du jet de l'adversaire), on peut:
  • ajouter un fait (réalisable également sur un jet de Sorcier quand un nouveau élément est introduit par le MJ),
  • avoir +1 sur une prochaine action,
  • annuler l'intention de combat de l'adversaire (sinon elle a lieu),
  • occasionner une blessure de plus.

Progression des personnages
Il n'y aucun système de progression des personnages dans OMT. Il n'est même pas prévu de permuter les dés de traits ni de pouvoir changer l'intitulé des compétences ou du trait de caractère. Les personnages sont considérés comme au maximum de leur potentialité dès le départ.

Verdict
Alors qu'en est-il par rapport au cahier des charges annoncé ?

La puissance des personnages est somme toute relative mais bien adaptée face à l'opposition. Pour ce qui est de rencontrer des civilisations exotiques, de sombres créatures et d'anciennes magies, cela va fortement dépendre des connaissances des joueurs en regard des canons de la Sword & Sorcery. Du coup, les histoires racontées peuvent effectivement se révéler étranges si les joueurs ne partagent pas totalement une vision commune de l'univers créé. Car même si le processus de création de la carte est une bonne idée pour regrouper des idées au début de la partie, cela ne suffit pas pour rendre l'univers cohérent et savoir si les joueurs ont bien un socle commun. Enfin pour l'avoir tester par deux fois, il est effectivement bien possible de lancer une partie sur le pouce et ce sans préparation.

OMT dispose d'un système minimum mais qui cadre bien la mise en place des scènes et la répartition d'autorité entre le MJ et les joueurs. Mais au-delà de ces fonctions le système n'apporte aucune saveur particulière et ne soutient à mon sens aucune démarche créative bien définie. Le jeu repose trop sur les capacités des participants à alimenter la partie de leurs connaissances propres dans le domaine. Michelle, peux-tu soulever le capot du jeu suivant ? Attends un peu avant de bidouiller le moteur avec ton tournevis, on va voir ce qu'il vaut sans ajustements préalables...


Barbarians of Lemuria



La quatrième de couverture du jeu annonce: "Considéré comme un des meilleurs jeux de rôle de Sword & Sorcery par de nombreux critiques, Barbarians of Lemuria bénéficie enfin d'une traduction française ! Fans de Conan, du Souricier Gris ou d'Elric ne cherchez pas plus loin. Pour écraser vos ennemis, les voir mourir devant vous et écouter les lamentations de leurs femmes, vous aurez besoin de deux dés à six faces et d'un petit quart d'heure pour créer vos personnages avant de vous lancer dans un des deux scénarios proposés dans cet ouvrage."

Voyons si tous ces compliments flatteurs sont mérités et si BOL s'en sort mieux que OMT pour émuler un univers de Sword & Sorcery.


Création des personnages
Les joueurs commencent par réfléchir au concept de leur personnage. Ils ont ensuite 4 points à répartir parmi 4 attributs (vigueur, agilité, esprit, aura), 4 points à répartir parmi 4 aptitudes de combat (bagarre, mêlée, tir, défense), à noter leurs traits (avantages/défauts) selon l'origine de leur personnage, à répartir 4 points parmi 4 carrières, à calculer la vitalité (10+vigueur) de leur personnage (quand elle est <0, le personnage perd 1 point de vitalité par tour et à -6 il est mort). Enfin, chaque personnage obtient 5 points d'héroïsme (qui permettent d'ajouter des éléments si un fait est vague mais ceci avec l'aval du MJ, relancer un jet, augmenter le rang de succès d'un jet, éviter la mort de son personnage).

Mise en place du contexte
L'ouvrage comprend une description de la Lémurie, des carrières accessibles aux personnages, des origines des peuples, un bestiaire et une liste de langages. Bien que succinctes, toutes ces descriptions sont à mon sens suffisantes pour servir de base commune aux joueurs pour évoluer dans cet univers, mais il restera comme travail au MJ de transmettre toutes ces informations aux joueurs d'une manière ou d'une autre.

Principes de maîtrise
Le MJ a pour rôle de présenter le monde et de décrire les événements auxquels les joueurs sont confrontés, ainsi que de jouer le rôle des PNJs. Par contre il n'y a aucun conseil ou guide de maîtrise pour émuler l'univers particulier de la Sword & Sorcery, il est même indiqué qu'il est préférable d'être familiarisé avec le genre littéraire de la Sword & Sorcery pour savoir comment décrire un PNJ ou l'ambiance, et à quel rythme mener une partie...en quelque sorte le seul conseil donné, c'est : allez à la source littéraire pour avoir toutes ces réponses...

Par contre d'autres conseils, eux bien présents, sont assez rétrogrades, me gênent ou sont en contradiction même avec ce qu'ils essayaient de dénoncer (cf. dirigisme plus bas), par exemple:
- Si un joueur tente une action pour laquelle il semble ne pas y avoir de règles, c'est au MJ de trancher.
- Il est possible de faire une partie de BoL sans jamais lancer les dés ou presque.
- Prenez l'habitude de déterminer à quel moment l'application des règles est importante et à quel moment les ignorer pour faire avancer le scénario. Les dés peuvent créer un élément de surprise mais si l'échec empêche l'histoire d'avancer...lancer les dés n'est peut être pas une bonne idée.
- Dans le § Évitez le dirigisme on peut lire : le dirigisme consiste à imposer votre scénario aux joueurs plutôt que de leur laisser l'initiative. Les objectifs des joueurs ne colleront pas toujours avec ce que vous aviez en tête. Ne les forcez pas à suivre votre plan en contrecarrant toutes leurs actions. Une fois que vous avez compris ce qu'est le dirigisme, il vous sera possible d'être plus subtil et de camoufler vos intentions aux joueurs quand vous y aurez recours. Les joueurs aiment croire qu'ils ont le destin de leurs personnages entre leurs mains, ne les décevez pas.

Opposition
Comme dans OMT, celle-ci prend la forme de PNJ mineur (piétaille) ou majeur (vilain). Ces derniers disposent de points de vilenie, l'équivalent des points d'héroïsme des PJs, dont le MJ peut également se servir pour faire s'échapper un vilain. Les PNJs mineurs sont définis par les seuls 4 attributs de base, alors que les PNJs majeurs sont construits comme les PJs.

Résolution des conflits
On interroge le système de résolution quand un personnage tente une action à l'issue incertaine. Pour cela il faut lancer 2d6 + attribut + combat ou carrière + ou - un modificateur selon la difficulté estimée par le MJ (+1 à -4). Si le résultat est > ou = à 9, c'est une réussite sinon c'est un échec. Si on obtient 12 avec les 2d6 c'est un succès automatique et si c'est 2 c'est un échec automatique.

Progression des personnages
A l'issue de chaque scénario, le MJ distribue des points d'expérience aux personnages des joueurs qui leur permettent:
  • d'augmenter un attribut / une carrière / une aptitude de combat,
  • d'acheter une nouvelle carrière / un nouveau avantage,
  • de retirer un défaut.

Verdict
Alors BoL s'en sort-il mieux que OMT ?

Pour un jeu qui s'est vu attribué comme critique d'être un des meilleurs jeu de rôle de Sword & Sorcery, je trouve qu'il manque tout de même pas mal de choses pour mériter ce titre. Quand j'achète un jeu avec un thème fort, je m'attends à ce que l'auteur en ait fait une analyse poussée et utilise ces conclusions pour créer un système de jeu qui mette en avant ces grandes thématiques (civilisation vs barbarie, corruption de la recherche du pouvoir, anciens et nouveaux dieux, etc.). Hors ici, le seul ajout par rapport à OMT consiste en la description d'un univers "typique" de Sword & Sorcery et l'inclusion de ces éléments dans les atouts/désavantages des origines des personnages. Le seul conseil en lien avec les thèmes de la Sword & Sorcery c'est d'aller puiser dans la littérature de genre toutes les techniques de description et de rythme, c'est un peu léger, non ?

Le système est en fait tellement générique (pour preuve Shiryu l'a décliné sans mal pour faire du super-héros...), sans saveur et sans réel impact pour émuler un style Sword & Sorcery qu'il est possible, voir souhaitable, comme c'est écrit noir sur blanc dans le texte, d'ignorer parfois totalement le système de jeu...la cerise sur le gâteau revient au paragraphe sur le dirigisme qui tend bien à montrer que le dirigisme c'est le mal, enfin bon, c'est le mal quand les joueurs s'en rendent compte, mais si ce n'est pas le cas ce n'est pas grave, vous pouvez continuer à en faire...

Finalement Michelle ce tournevis va servir, même si je pense qu'il faudrait remplacer totalement le moteur au point où on en est...ah, tu feras attention tu as l'auteur du jeu qui est derrière toi et il n'a pas l'air très content...mais...Michelle !?!?! Que comptes-tu faire avec ce tournevis !?!?! Ô mon dieu !!! Machete !!!




Pour conclure: avez-vous déjà testé ces deux jeux ? Avez-vous également un avis mitigé sur l'intérêt de ces deux systèmes ? Ou bien au contraire êtes-vous un fan inconditionnel d'un de ces deux jeux ? Et surtout pourquoi ? Et sinon, envie de me conseiller un vrai bon jeu de Sword & Sorcery ?

Venez les filles, notre boulot ici est accompli...Hasta luego !

dimanche 8 décembre 2013

Quelles sont les briques élémentaires du jeu de rôle ?

Avant-propos: si l'on devait concevoir le jeu de rôle le plus minimaliste possible, quels seraient les éléments indispensables à sa réalisation ? A quoi se réduit l'essentiel des fonctions nécessaires à la constitution d'un jeu de rôle ? Nous aborderons dans ce billet ces questions au niveau théorique en s'appuyant sur le point de vue de Vincent Baker ainsi qu'au niveau pratique en scrutant de près le nano-jeu d'initiation d'Epidiah Ravachol.




Qu'est-ce qu'un jeu de rôle selon Vincent Baker


1) Un jeu de rôle est un jeu

Un jeu a un objectif et des outils. Aux échecs votre objectif est de défaire le roi adverse. Vos outils sont le mouvement en diagonal des fous, en vertical et horizontal des tours, des autres pièces selon leur mode spécifique, d'effectuer la capture des pièces adverses, de roquer, etc. A Super Mario Bros l'objectif est d'atteindre la fin du dernier niveau. Vos outils sont de courir, sauter, lancer des boules de feu, casser des briques, etc. Dans ces deux cas, les outils à votre disposition rendent possible l'atteinte de votre objectif, mais sans que cela ne soit facile ou certain. C'est là une idée clé, la distance ou tension créée entre l'objectif du jeu et les outils qu'il procure pour l'atteindre. 

Dans un jeu de rôle :
  • Votre personnage peut avoir un ou des but(s)
  • En tant que joueur, vous pouvez avoir vos propres buts
  • Le jeu a un objectif, décidé par le concepteur
  • Le concepteur avait des buts pour le design de son jeu, sa publication, etc.
Il est souvent négligé dans les jeux de rôle, lorsqu'il est intégré à leur design, que c'est l'objectif qui donne aux outils toute leur valeur.

2) Un jeu de rôle est une conversation

Un jeu de rôle, c'est une conversation. Une conversation a un ordre et un sujet. Les règles d'un jeu de rôle ne font pas autre chose qu'orienter cette conversation : ce qu'on doit dire, ce qu'on ne peut pas dire, quand et comment on doit le dire. C'est aussi ce qu'on appelle "le principe de Lumpley" : le système (qui inclut mais ne se limite pas aux règles) c'est l'ensemble des moyens par lesquels le groupe s'accorde sur les événements imaginaires pendant la partie.

L'idée clé ici est que l'ordre de la conversation que vous tenez dépend du sujet de la conversation. Au cours du jeu quelle variété de sujets est couverte par la conversation ? Comment l'ordre de la conversation évolue ou non pour s'adapter au changement de sujet ?

1+2) Dans un jeu de rôle, 1 et 2 entrent en contact.

Lancer les dés, intervenir à son tour, choisir parmi plusieurs options, dire ce que votre personnage fait: ce sont les outils dans un jeu de rôle. Comment faire pour orienter la conversation dans votre jeu ? La réponse est que cela dépend de l'objectif du jeu, et de la tension que vous voulez créer entre cet objectif et les outils du jeu.


Qu'est-ce qu'un jeu de rôle ? selon Epidiah Ravachol


Le texte de ce jeu est suffisamment court pour être reproduit en totalité ici, cela permettra plus facilement d'en discuter, le voici.

C’est un jeu de société à jouer entre amis.
Trouvez 2 ou 3 amis, mettez-vous à l’aise. Ça vous prendra 15-20 min.

C’est l’exploration de scénarios prenants ou rocambolesques.
Dites à vos amis que vous allez jouer des braqueurs de banque modernes à la couverture parfaite : ils sont aussi astronautes et leur fusée part le jour même.

C’est la possibilité d’être un autre.
A votre tour posez aux autres trois questions à propos de leur astrobraqueur respectif. Choisissez l’un d’eux qui sera le cerveau du braquage, un autre qui sera le commandant de la mission spatiale, un troisième qui a décidé en secret de se rendre.

C’est une célébration des situations épineuses.
Commencez dans le feu de l’action. Posez la scène comme dans un film. Nos astrobraqueurs sont à la banque le jour du lancement, cagoulés, armes aux poings. Dites qui d’autre se trouve là, ce qu’ils font, ce qui a mal tourné.

C’est un rêve éveillé collaboratif.
La scène posée, choisissez un joueur pour être au centre de l’attention. Les autres joueurs peuvent dire ce que pensent ou font les personnages tiers : banquiers, flics, gardes, otages. . . à l’exception de l’astrobraqueur d’un autre joueur. Le joueur au centre de l’attention peut uniquement dire ce que pense ou fait son propre astrobraqueur.

C’est un exercice pour votre sens de la narration.
Discutez de ce qui arrive et de ce que chacun fait. Quand quelqu’un fait quelque chose de difficile à faire ou qui pourrait faire du mal à quelqu’un, y compris à lui-même, faites-lui remarquer à voix haute. Vous pouvez provoquer ces moments en faisant agir votre astrobraqueur de façon imprudente ou un tiers de façon brave, agressive ou désespérée.

C’est une façon de vous forcer à imaginer des histoires intéressantes.
Si vous faites remarquer que quelqu’un fait quelque chose de difficile, désignez un 3ème joueur qui décidera ce qui doit se produire avant que cette tâche soit achevée. Si vous faites remarquer que quelqu’un pourrait faire du mal, désignez un 3ème joueur qui décidera qui aura mal et comment. Si vous faites remarquer que quelqu’un fait quelque chose à la fois difficile & faisant du mal, désignez un 3ème joueur qui décidera de quelle façon l’action échoue et met en danger toute l’équipe. Si c’est le personnage au centre de l’attention à qui on a fait la remarque, terminez la scène et passez au paragraphe suivant ; sinon continuez à jouer.

C’est quelque chose qui continue.
Quand une scène se termine, un autre joueur en pose une nouvelle et un autre astrobraqueur devient le centre d’attention. Dites qui est là et qu’est-ce qui va de travers. Est-ce une poursuite en voiture, un problème avec les otages, une visite surprise quand vous enfilez vos scaphandres, une fusillade sur le pas de tir ? N’importe quoi qui suit naturellement. La partie se termine quand tous les astrobraqueurs ont été soit tués, soit arrêtés, soit se sont échappés en orbite.

Petite étude comparative


Ce court jeu d'initiation d'Epidiah Ravachol est de manière surprenante un excellent exemple de mise en pratique des principes de V. Baker.

L'objectif du jeu est clairement fixé (la partie se termine quand tous les astrobraqueurs ont été soit tués, soit arrêtés, soit se sont échappés en orbite), 3 rôles de personnage sont déterminés avec chacun un objectif propre (l’un d’eux sera le cerveau du braquage, un autre sera le commandant de la mission spatiale, un troisième a décidé en secret de se rendre), le contexte est posé avec un début du jeu in media res.

Pour ce qui est des règles et des outils permettant de cadrer la conversation, un des joueurs incarne son personnage et le fait évoluer tandis que les deux autres joueurs se substituent au rôle du MJ en incarnant l'environnement, les PNJs, l'opposition etc. La résolution des situations conflictuelles (quelque chose de difficile à faire ou qui pourrait faire du mal à quelqu’un) se fait par l'intervention d'un tiers qui décide ce qui doit se produire avant que cette tâche soit achevée. Ce système de résolution basique permet d'aller au-delà du simple "ce que vous dites a lieu de la manière dont vous l'avez décrit".

En fait la proximité de vision de ces deux auteurs par rapport à ce que doit contenir a minima un jeu de rôle n'est pas si surprenante que cela. En effet lorsque l'on consulte la liste conseillée par V. Baker pour créer soi-même un (nano-)jeu, on trouve qu'Epidiah Ravachol a répondu à presque toutes ces questions dans son propre jeu, à savoir:

  • qui sont les personnages, que sont-ils en train de faire et quel obstacle se dresse devant eux ? 
  • quel est le rôle des joueurs ?
  • quel est l'objectif des PJs ?
  • est-ce qu'il y a un MJ ?
  • qui est le MJ ?
  • quel est le rôle du MJ ?
  • quel est l'objectif de jeu du MJ ? que cherche-t-il à découvrir en jouant ?
  • dans quelles circonstances doit-on jeter les dés ?
  • selon le résultat des dés, que peut-il se dérouler ensuite ?
  • selon ce qui se déroule ensuite, quelle conversation devrait-on avoir sur ces événements ?
  • quelles circonstances demandent une conversation particulière, mais pas de jet de dés ? et quelle conversation devrait-on avoir à ce moment-là ?
  • comment sait-on que la partie est terminée ?
Cette liste semble constituer une excellente base de questions à se poser lorsque l'on se lance dans la création de son propre jeu de rôle.

Pour conclure: bien sûr on peut trouver que le "système de résolution" des conflits dans le jeu d'Epidiah Ravachol est trop léger, mais il faut bien penser qu'en introduisant d'autres mécaniques dans un jeu de rôle celles-ci doivent avoir une utilité avérée au-delà de ce que permet déjà un simple système de résolution, et surtout que ces mécaniques restent bien focalisées sur ce qui importe réellement par rapport au contexte du jeu et à l'expérience de jeu recherchée. Selon vous, peut-on encore réduire le nombre d'éléments nécessaires à la conception d'un jeu de rôle par rapport à ce qui est présenté ici ? Ou bien au contraire pensez-vous peut-être que le nano-jeu d'Epidiah Ravachol ne peut pas être considéré comme un véritable jeu de rôle ? Que faudrait-il alors ajouter pour qu'il en devienne un ?