dimanche 21 juillet 2013

Le truc impossible avant le déjeuner - roleplay et immersion

Avant-propos: le sujet que je vais abordé ici n'est pas le même que celui du truc impossible avant le petit-déj', sur lequel La Cellule a débattu récemment.

Malgré tout, il soulève selon moi un paradoxe semblable entre les notions de "roleplay", dans le sens d'incarner et d'interpréter un personnage aux motivations et à la personnalité différente de la nôtre, et d'immersion, c'est à dire le fait de se prendre ne serait-ce qu'un instant pour quelqu'un d'autre.

Je vais essayer d'éclaircir un peu mon point de vue ci-dessous, "bear with me" comme disent les gens outre-atlantique (ou outre-manche).



Un des intérêts de faire du jeu de rôle est celui d'incarner le temps d'une partie ou d'une campagne un personnage qui peut présenter une personnalité et des motivations fort éloignées de celles de notre propre existence. Que cette personnalité ou ces motivations soient interprétées librement par le joueur, ou bien qu'elles soient cadrées par des règles strictes du système de jeu, comme par exemple grâce à des Aspects dans FATE, à des Keys dans The Shadow of Yesterday ou Lady Blackbird, aux BITs (Beliefs, Instincts, Traits) dans Mouse Guard (un des jeux dérivés du système Burning Wheel), on peut aisément admettre qu'elles contraignent d'une manière ou d'une autre la manière d'interpréter un personnage.

Les jeux que j'ai cités plus haut répondent à cela de manière assez différente:
  • dans FATE, le joueur doit payer un point de Fate pour ne pas céder au "compel" d'un de ses Aspects par le MJ, il doit dépenser des ressources pour ne pas suivre ce que son personnage ferait instinctivement,
  • dans TSoY ou Lady Blackbird, le joueur peut décider d'aller à l'encontre d'une de ses Keys pour gagner un bon nombre de points d'expérience, mais doit ensuite effacer cette Key et ne pourra plus jamais la reprendre avec ce personnage,
  • dans Mouse Guard, le joueur est récompensé de manière différente selon qu'il suit ou non son Belief dans une situation qui met ce dernier en balance.
Par ces mécaniques, le pouvoir de décision est laissé aux joueurs: leur personnage va-t-il suivre ou non sa personnalité et ses motivations dans la situation présentée? De plus, ces mécaniques visent à inciter les joueurs à choisir des actions propres à leurs personnages mais qu'ils n'auraient peut être pas choisi naturellement sans ce petit coup de pouce ludique.

Cependant, plutôt que de demander au joueur de s'identifier à son personnage, de se mettre à sa place et de faire un choix en regard de sa personnalité et de ses motivations, il est alors demandé au joueur de faire un choix qui se situe dans un espace de "méta-jeu" où des considérations toute autre peuvent intervenir: il me reste peu de points de Fate, je ne peux pas me permettre de refuser maintenant ce "compel"...si j'avais su je n'aurais pas pris cet Aspect... J'en ai marre de jouer avec cette Key, c'est l'occasion d'en changer... J'ai encore pas mal de points de Fate mais plus de points de Persona, alors je vais aller contre mon Belief cette fois-ci...

Et donc, plutôt que de m’aider à m'immerger dans la personnalité de mon personnage, ces mécaniques me demandent de faire un choix comptable par rapport à des ressources, d'extérioriser le choix à faire dans cette situation et du coup sont plus à même de me sortir de mon immersion.

A l'opposé des jeux cités ci-dessus, Dogs in the Vineyard (DitV) ne cadre pas du tout la personnalité et les motivations des personnages. Cette personnalité et ces motivations sont émergentes en jeu selon les choix faits par les joueurs pour leur personnage. C'est selon les actions effectuées par les personnages sous le contrôle des joueurs que ces traits de caractère sont établis. En fait, si je voulais le résumer simplement, DitV ne te demande pas "Que ferais ton personnage dans cette situation ?" mais "Que ferais-tu à la place du personnage dans cette situation ?". On ne se projette pas dans une autre personnalité pour choisir une action en fonction de la situation, on projette sa propre personnalité dans le personnage qui fait face à une situation particulière. Ceci me semble être plus favorable pour préserver l'immersion, puisqu'il n'est pas alors nécessaire de faire l'effort de "changer" de personnalité, mais qu'une vraie "résonance" peut se produire entre le personnage et le joueur.

J'ai bien conscience que cela s'écarte assez des principes du jeu de rôle classique où on est censé endosser la personnalité d'un personnage parfois très éloignée de la nôtre (avec toute la difficulté que cela peut représenter (comment peut bien penser un elfe immortel ?!!)), mais si l'on s'attache à vouloir, par l'intermédiaire de cette forme de jeu, à vouloir rencontrer et vivre des situations qu'il nous serait impossible de vivre au quotidien, j'ai la sensation qu'un système comme DitV est plus à même de permettre cette expérience.

Alors, qu'est ce qui importe vraiment pour vous en jeu de rôle ? L'immersion ou le roleplay ?

Pour conclure: j'ai un peu jeté mes idées au fur et à mesure qu'elles venaient, j'espère que cela fait sens et pas seulement pour moi. Qu'en pensez-vous ? Est-ce que vous avez ce même sentiment, ou bien est-ce que je délire totalement ou suis passé à côté de quelque chose d'essentiel ?

  

7 commentaires:

  1. Et bien c'est assez clair et je dirais même, comme nous avons souvent divergé sur le sujet, que c'est assez convaincant.
    Ma position était la suivante : marre de ces joueurs qui jouent toujours la même chose. Le même perso, la même mentalité, les mêmes points forts, les mêmes faiblesses, les mêmes attentes. Seuls le décors, l'époque et l'uniforme changent. Du coup, ils tirent la trame vers la même chose, tentant de réussir ce qu'ils n'ont pas accompli au jeu précédent. Je trouvais ça pénible, en tant que PJ ou MJ.
    Pour moi, le JdR permettait de jouer des personnalités et des destins que je n'auraient jamais (et heureusement) l'occasion de vivre. Bien sûr, c'est plus facile de commencer par jouer une personnalité très proche de soi mais si on regarde bien, c'est toujours "si j'étais comme ça". Ainsi, facile d'être courageux quand on a 18 en FOR et 100 PV. Donc ce n'est pas vraiment ma personnalité mais celle que j'aimerais pouvoir assumer. Et partant de ce constat, je trouvais très intéressant de jouer de choses que je ne serai jamais. Donc, entre tes 2 choix, un gros oui pour le ROLEPLAY.
    Mais voilà, je suis bien obligé de dire qu'effectivement, je n'ai que très rarement senti d'immersion. Il fallait un gros effort au MJ pour arriver, grâce à l'ambiance, au rythme et à une scène très prenante pour que j'arrive à ne pas réagir comme je le ferais ou que je ne sois pas obligé de réfléchir comme mon perso mais que j'arrive à réagir en tant que personnage.
    Je dois dire que ces moments ne se sont jamais produits avec des jeux qui proposent des mécanismes pour gérer la personnalité (ou alors par hasard et s'il n'y avait pas eu de mécanisme, ça n'aurait rien changé). A chaque fois, j'ai réagi rapidement, et si ce choix tombe au bon moment, à savoir au moment où tu arrives bien à endosser le costume de ton perso, ça donne un moment magique : l'IMMERSION.
    Alors en dehors de ce joueur qui joue toujours la même chose et que je trouve toujours pénible, je crois que tu as visé juste. Je reformule : ne cherchez pas à jouer un personnage trop éloigné de vous, soyez vous. Mais dans un cadre tout à fait différent. Je ne pense pas que ça nécessite beaucoup d'efforts en fait. Il suffit de voir comment les gens changent quand ils gagnent plein d'argent d'un coup, quand ils tombent amoureux, quand ils ont une famille, quand la maladie les touche de près, quand ils perdent leurs boutons d'acné... Donc je vais être moi, un moi très probable si j'étais plongé dans le contexte que la partie me propose mais très différent du moi réel (et je crois que c'est ce que je fais quand ça marche le mieux). Donc si je veux savoir quel chevalier je serais, jouons à pendragon, si je veux savoir quel vampire je serais, ou quel mafieux, ou quel terroriste, ou comment je réagirai à la fin du monde, ou face à une invasion ennemie... donnez moi le jeu qu'il faut.

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    1. J'ai en fait le sentiment que le roleplay et l'immersion ne peuvent pas coexister au même moment. Si je veux ressentir ce que mon personnage ressent dans une situation donnée, il faut que je me projette dans cette situation et que j'évalue ce que moi je ferais à ce moment là, et non évaluer ce que ferait un personnage avec une personnalité différente. Cette action d'évaluation ne peut qu'être extériorisée et non intériorisée, d'où une impossibilité d'immersion. De même l'immersion et l'aspect ludique semblent incompatibles. Sur une double échelle jeu/immersion, je verrais le fait de déplacer un pion au jeu de l'oie ou au jeu des petits chevaux comme 100% jeu et 0% immersion et à l'opposé le fait de tenir une discussion en étant costumé lors d'un jeu de rôle grandeur nature comme 0% jeu et 100% immersion. Le jeu de rôle sur table se situerait entre ces deux extrêmes, oscillant entre ces deux états sans jamais totalement les atteindre (entre le fait de déplacer une figurine sur un battlemat lors d'un combat tactique et de tenir une discussion en roleplay sans qu'aucun jet de dé n'intervienne), mais du fait même de l'application de règles et des lancers de dé pour déterminer comment l'histoire évolue, une véritable immersion semble difficile à atteindre.

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    2. le lancer de dé n'est pas forcément un frein à l'immersion. Quand je fais quelque chose, ou que je prend une décision, je ne suis pas toujours sûr du résultat. Pour l'immersion, je n'attend pas du système qu'il me procure tel ou tel bonus suivant mon action car forcément, je le prendrais en compte pour réussir mon action et je basculerais sur du jeu. Mais si le jet ne défini pas la réussite de mon action mais son effet, alors on peut considérer que le système n'intervient pas sur moi (je peux donc aller à fond dans l'immersion) mais sur mon environnement (en gros, il permet au MJ de réagir de manière non arbitraire). Et si cette réponse est cohérente, Jackpot pour l'immersion. Si la réponse est débile/frustrante/incohérente/hors du style, alors on ressort aussitôt de l'immersion.
      Un exemple : je joue un aventurier courageux qui affronte un dragon en train de raser la ville. pour l'immersion, il faut virer tous les trucs qui feront que je me dirais : "alors le javelot à X de portée, j'ai X de bonus pour toucher mais lui a X d'esquive donc j'ai une chance sur 20. bon essayons, j'ai rien d'autre à faire". Par contre, ma réaction serait surement de monter sur un toit ou une tour et de me jeter sur le dragon quand il passe, il faut que le système suive. Et pas de souci pour le lancer de dé. Si le jet réussit, j'arrive sur le dos du dragon et je vais pouvoir lui planter mon épée. Si le jet rate, et bien ce n'est pas moi qui échoue et me fait tomber dans la fosse à purain mais j'attrappe de justesse le dragon par la queue ou l'aile (en gros, le dragon esquive mon saut) et je vais en chier pour la suite.
      Sans le vouloir, je crois que j'ai déplacé la question à : d'accord pour l'immersion mais encore faut-il que le système le permette ?". il faut que le système reste discret, léger, fluide et accompagne les joueurs, pas leur mettre des contraintes ou des interdictions. Il faut que ce que tu décris se réalise, seul l'impact n'est pas défini. Si le système est binaire (raté ou réussi), et bien tu tombes dans le calcul de proba et tu fais ce qu'il faut pour avoir le plus de chances de réussir. En gros, tu fais ce que le système t'impose pour réussir, pas ce que tu ferais en tant que personnage. Et là, je pense que ce n'est même plus du roleplay mais du jeu de plateau. Le roleplay étant d'ailleurs souvent dans des phases de jeu où on ne lance pas les dés.
      Je dévie trop ou ça colle encore ?

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    3. Je crois qu'on est encore dans le sujet. Je te l'accorde, le système est bien sûr crucial. Mais ça pose d'autres questions. S'il faut un système léger, voire inexistant (combien de fois j'ai pu lire ou entendre des phrases du genre: on a fait une super partie hier soir, on n'a quasimment jamais lancé de dés!) pour favoriser l'immersion, cela remet en cause l'intérêt des règles et surtout leur contribution à délivrer telle ou telle expérience de jeu. Parce qu'il ne faudrait pas oublier que c'est tout de même un jeu avant tout, et que les règles et les mécaniques du système sont là pour être mises en application (et si possible favoriser une certaine expérience de jeu). Quand tu dis "tu fais ce que le système t'impose pour réussir, pas ce que tu ferais en tant que personnage", c'est le signe selon moi d'une mauvaise mécanique incitative, certains jeux vont au contraire t'inciter mécaniquement à faire quelque chose que tu n'aurais pas fait naturellement mais qui est représentative de ton personnage. Par contre j'ai du mal à voir comment dans ce cas là l'immersion pourrait être conservée puisque l'action que devrait faire ton personnage va à l'encontre de ce que toi tu aurais fait naturellement...

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    4. Je ne maîtrise pas trop la différence de vocabulaire entre règles et système. Mais je crois que système, c'est système de résolution, donc la mécanique (souvent les dés). les règles, c'est plus large, comme par exemple les règles pour MJ dans Apo ou DW. On peut donc suivre des règles sans lancer de dés.
      Quant au dernier problème que tu soulèves, je ne sais pas trop. Peut être faut-il un peu de temps pour endosser un nouveau costume, peut être ne faut-il pas aller trop loin de soi, peut être tout simplement que certaines personnes ont un champ d'interprétation plus large (la plupart des acteurs ne peuvent pas tout jouer). Je pense que comme les acteurs, un travail de recherche peut être fructueux avant de créer son perso (certes l'univers et l'époque mais aussi un travail documentaire plus ciblé sur le personnage, quitte à s'inspirer de personnages dans lesquels on s'est retrouvé), comme je l'ai fait avec Alesk pour Qin en lui passant plusieurs films, comme nous l'avons fait à DW et comme il l'est recommandé dans Tenga ou Apo. Tu sais, le classique questionnaire background qui ne sert généralement à rien ensuite !
      Tiens, un truc tout simple qui favorise l'immersion pour moi : la souplesse des traits (ou autres dénominations). Si ton perso est figé dans le marbre et qu'il ne fait que progresser dans ce qu'il est déjà, ton carcan est très fort et tu vas forcément devoir y coller. Si par contre, tu peux régresser, perdre des traits, en gagner de nouveaux, modifier tes traits... tu vas forcément finir par tomber sur un bon compromis entre ton idée de perso de départ et ce que tu es prêt/capable de jouer. Je crois que c'est le gros plus de DitV. A pendragon aussi, tu as des valeurs qui basculent dans un sens ou dans l'autre sauf que le problème, c'est que tu as un intérêt mécanique à aller dans un sens et pas dans l'autre, donc tu es inciter à te forcer à un certain roleplay qui n'est pas forcément de l'immersion.
      Et puis tout simplement, si le jeu annonce clairement ses intentions, ça préviens les futurs joueurs et ils ont le droit de faire l'impasse si ça ne leur convient pas plutôt que de forcer un roleplay ou d'être à côté de la plaque (je pense à Apo, DitV, à Star Wars quand Moustic voulait faire un sith alors que le setting était de protéger la république, faire un personnage solitaire dans un jeu coopératif, Vampire dark age où tu fais des complots contre les autres joueurs...). C'est sans doute ça, la règle de départ.

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  2. Je ne suis pas sûr de saisir le sens donné aux mots, alors j'essaie d'abord de définir les termes et sur la même approche que l'article de départ, je livre mes refléxions dans l'ordre où elles viennent; je ne sais pas si ça apportera grand-chose, je ne suis pas spécialiste des systèmes.

    Si j'ai bien compris, roleplay = "je maîtrise tous les traits de mon perso et je peux décrire ses actions en cohérence avec ces traits, mais c'est un peu comme si j'utilisais la troisième personne pour en parler" et immersion = "je deviens mon perso, je suis plongé dans l'univers/l'histoire qui se passe et j'utilise la première personne".
    Dans ce cas, "roleplay" correspond à une vision un peu "mécaniste" selon le système, et "immersion" une vision beaucoup plus intuitive. Je ne suis pas certain que les deux s'opposent : je vois plutôt l'immersion comme une étape supérieure au roleplay; n'est-ce pas le Saint-Graal de toute séance de JdR : "on était à fond dedans!". Elle arrive plutôt rarement, parce qu'à mon sens la difficulté est double.
    On se trouve d'abord face à la difficulté de se plonger dans un perso différent de soi : comment dissocier ce que l'on perçoit et comprend de la situation où se trouve le personnage, de ce que le personnage perçoit et comprend lui-même? Cela peut aller loin et saper toute dynamique de jeu. Selon ses choix, on peut tenter de limiter cette première difficulté en jouant un personnage très proche de soi, ou différent seulement sous certains aspects qui ne sont pas les nôtres mais que l'on aime jouer.
    La deuxième difficulté est de s'immerger en plus dans l'univers qui entoure le personnage. Il faut que tous les joueurs/MJ soient en phase. Dans les deux cas, il faut sans doute du temps en amont, de la lecture, des échanges sur l'univers, etc.

    Là dessus arrive le système de jeu : ce qu'il permet de faire ou pas, etc. C'est peut-être là que roleplay s'oppose à immersion. Lorsque l'on "reste" sur du roleplay, on peut très bien y inclure les règles qui vont être des guides des actions du perso, en plus de ses traits. "Mon perso n'a pas réussi à faire ce qu'il voulait, c'est comme dans la vraie vie, on ne fait pas toujours ce que l'on veut..." D'un point de vue narratif, on s'invente des raisons pour justifier un jet raté; mais la liste des compétences du perso peut aussi donner des idées sur quoi faire si l'on manque d'inspiration.
    L'immersion quant à elle étant beaucoup plus délicate à réaliser (mais aussi plus gratifiante). Je pense qu'elle n'est déjà possible que si les joueurs/MJ partagent déjà une même vision du jeu, de l'univers, des personnages, etc. Si les règles viennent "casser le trip", la frustration va être beaucoup plus grande, surtout si l'on accumule des mauvais jets ("my dice hate me!"). Je crois que je rejoins Shiryu sur ce point.
    La souplesse du système est donc indispensable : apporter des éléments si l'on manque d'inspiration, savoir se faire discret pour ne pas casser l'immersion. Si je me souviens bien certains systèmes recommandent d'ailleurs au MJ de la souplesse dans l'interprétation des règles.
    De là à éliminer le système? On se trouverai alors plutôt dans une séance de narration improvisée collective - mais comment définir alors qui parle, et quand?

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    1. Même sans discuter des aspects plus théoriques des systèmes, il est toujours intéressant de lire un ressenti différent basé sur une autre expérience de jeu.

      Je trouve que tes définitions de roleplay et d'immersion sont plutôt bonnes, même si je pense que la notion de parler à la première ou à la troisième personne n'est pas exclusive à l'un ou l'autre des termes. L'immersion pour moi se traduit par le fait de ressentir "viscéralement" la situation dans laquelle se trouve mon personnage, et ceci me semble plus facile à atteindre s'il ne m'est pas demandé à ce moment là de réagir selon un mode de pensée très éloigné de ma personnalité.

      Vis-à-vis de la première difficulté que tu soulèves, le jeu de rôle est souvent vendu comme le moyen de vivre des situations que nous ne rencontrerons jamais dans nos vies quotidiennes, et de fait incarner un personnage qui a une personnalité très proche de la nôtre est à mon avis tout à fait viable et pas nécessairement préjudiciable à l'expérience de jeu vécue. Pour ce qui est de la seconde difficulté, à savoir le fait d'avoir une vision commune de l'univers de jeu, c'est effectivement crucial, et certains jeux favorisent cela par des descriptifs inclus directement dans les règles (par exemple Apocalypse World et Lady Blackbird pour n'en citer que deux), ou par des règles cadrant la "liberté narrative" des joueurs (comme dans Wushu). Il est bien évident, comme tu le soulignes, que l'immersion sera plus dure à atteindre si le jeu est interrompu toutes les 10 minutes pour recadrer les actions décrites afin qu'elles collent à la vision de l'univers (si une vision unique de celle-ci peut effectivement être circonscrite et partagée par tous).

      L'intérêt des règles, selon moi, est justement de t'inciter à agir de manière différente de ce que tu ferais naturellement. Cette incitation mécanique, si elle est bien conçue, amène ton personnage à agir d'une manière adaptée par rapport à ses motivations / sa race / sa personnalité / ses limitations / etc., et ainsi cette action est cohérente avec l'univers de jeu et renseigne tous les joueurs à la table de jeu sur la réaction naturelle de ce personnage.

      De mon point de vue, la souplesse dans l'interprétation des règles n'est utile que si le système est mal pensé au départ. Pour les jeux dont la mécanique est focalisée sur une expérience de jeu particulière, comme l'est par exemple Dogs in the Vineyard, il n'y a aucune souplesse à donner au système, au contraire il faut que le MJ se force à les appliquer à la lettre pour que le cercle vertueux de l'application des règles se mette en place et entraîne l'effet désiré.

      Enfin, je te rejoins sur la question de l'intérêt d'avoir un système si l'on doit au final l'éliminer pour favoriser l'immersion. Le système est pour moi crucial et central pour amener à des expériences de jeu différentes, il n'est donc pas possible de s'en passer. Par contre, il doit être pensé de manière très précise pour délivrer l'expérience de jeu recherchée. Après, je pense qu'il est tout à fait possible de passer une excellente soirée de jeu de rôle sans atteindre l'immersion, et que ce Graal tant vanté, n'est pas une condition sine qua non à une session de jeu réussie.

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