dimanche 16 novembre 2014

Principes de la philosophie stoïcienne - La Citadelle Intérieure

Avant-propos : deuxième billet sur les principes de la philosophie stoïcienne suite à ma lecture du livre de Pierre Hadot, philosophe spécialiste des Stoïciens, anciennement intitulé « La citadelle intérieure » (que l'on peut trouver maintenant sous le nom « Introduction aux "Pensées" de Marc Aurèle »). Dans cet ouvrage, Pierre Hadot cite Marc Aurèle, lequel : « bâtit en lui-même une citadelle inaccessible aux troubles des sentiments et des passions, ces mouvements irrationnels de l’âme contraires à la nature. En ce lieu règne l'apathie, cette tranquillité de l’âme que rien ne vient troubler ». Nous allons explorer dans cet article ce qu'est réellement cette Citadelle Intérieure.

La Citadelle Intérieure


Le schéma ci-dessous présente en quoi consiste cette Citadelle Intérieure et ce qu'elle circonscrit.



La création de cette Citadelle Intérieure repose sur l'adoption d'un certain nombre de disciplines que nous allons rappeler ci-après. Contrairement à la division présentée dans le premier billet (cf. Principes de la philosophie stoïcienne d'après les Pensées de Marc Aurèle), nous distinguerons ici "impulsion à l'action " et "action (devoirs)" afin de les situer par rapport au schéma ci-dessus.

Discipline de l'impulsion à l’action et du vouloir

Il s'agit de rester en cohérence avec soi, de faire ce que ma nature propre exige, ma nature d'homme, ma raison commune avec celle de tous les hommes (daimôn).

Discipline de l'assentiment

Il s'agit toujours d'examiner et de critiquer les jugements que je porte, que ce soit sur les événements qui m'arrivent ou que ce soit sur l'action que je veux entreprendre. L'assentiment initie le mouvement vers le désir ou l'impulsion à l'action. Mais ceci est inséparable de l'adhésion intérieure à un certain jugement et à un certain discours prononcé au sujet des choses. Les seuls jugements valides sont ceux qui reconnaissent le bien moral comme seul bien, le mal moral comme seul mal et que ce qui est ni bon ni mauvais moralement est indifférent.

Discipline du désir

Il s'agit de rester en cohérence avec le Tout, de refuser de désirer autre chose que ce que veut la Nature du Tout, la Raison universelle (loi interne de l'univers) et de replacer chaque événement dans la perspective du Tout.

Discipline de l'action (des devoirs)

Il s'agit des devoirs suivants :
  • aider spirituellement autrui,
  • lui révéler les vraies valeurs,
  • l'avertir de ses fautes,
  • redresser ses fausses opinions,
  • montrer à chacun la contradiction qui est la cause de sa faute.

Pour pouvoir adopter les disciplines des devoirs et de l'assentiment, il est indispensable de circonscrire le présent. Le paragraphe ci-dessous présente en détails de quoi il s'agit.

Circonscrire le présent


Il s'agit de composer sa vie en accomplissant ses actions une par une, en se concentrant sur l'instant présent, sur l'action qu'il est en train de faire en ce moment, sans se laisser troubler par le passé ou le futur. Cette concentration sur l'action présente met de l'ordre dans la vie, permet de sérier les problèmes, ne pas se laisser troubler par la représentation de toute la vie et ses difficultés. Chacune de ces actions sur lesquelles se concentre l'intention bonne, trouve en elle-même son achèvement et sa plénitude, et personne ne peut nous empêcher de l'achever et de la réussir. C'est le paradoxe évoqué par Sénèque - même si le sage échoue, il réussit. Personne, aucune puissance au monde, ne peut nous empêcher de vouloir agir avec justice et prudence, donc de pratiquer la vertu que nous avons l'intention de pratiquer en prenant la décision de faire telle action.

Seul le présent est en notre pouvoir: notre vie réelle se limite à cette pointe minuscule qui nous met en contact à chaque instant, activement ou passivement, par l'intermédiaire de l'événement présent ou de l'action présente, avec le mouvement général de l'univers.

Le présent n'est réel et il n'a de valeur que si nous en prenons conscience.

La circonscription du présent vise à :
  • intensifier l'attention portée à l'action.
  • exalter la conscience de l'existence et la conscience de la liberté.
  • accomplir chaque action de la vie comme si c'était la dernière : cette pensée de la mort donne à chaque instant présent de la vie son sérieux, sa valeur infinie, sa splendeur.
  • disposer du présent selon la justice : agir au service de la communauté humaine.
  • rendre supportable les difficultés et les épreuves en les réduisant à une succession de courts instants.
  • intensifier le consentement aux événements qui viennent à notre rencontre.
  • utiliser la méthode de définition physique pour décomposer la réalité en ses parties pour découvrir qu'elle n'est qu'un assemblage de ces parties là et rien d'autre. La vie n'est faite que d'une suite d'instants que nous vivons successivement et que l'on peut maîtriser d'autant plus que l'on sait les définir et les isoler.
  • prendre conscience de la valeur infinie de chaque instant en regard de l'imminence possible de la mort : l'idée de la mort arrache l'action à la banalité, à la routine de la vie quotidienne. Impossible dans cette perspective d'accomplir la moindre action sans réflexion, sans attention. Il faut que l'être s'engage tout entier dans ce qui sera peut-être la dernière occasion qu'il aura de s'exprimer. Il n'est plus question d'attendre, de remettre à demain, pour purifier son intention, pour agir avec toute son âme. Même s'il arrivait que l'action que nous sommes en train de faire fût effectivement interrompue par la mort, elle n'en serait pas pour cela inachevée, car ce qui lui donne son achèvement, c'est précisément l'intention morale qui l'inspire, non la matière où elle s'exerce.
Le bien moral vécu dans l'instant présent est un absolu d'une valeur infinie. L'activité morale atteint sa fin dans le fait même qu'elle est exercée. Elle est toute entière dans l'instant présent, dans l'unité de l'intention morale qui anime en ce moment même mon action ou ma disposition intérieure. Il s'agit donc de vivre le présent comme le dernier instant de ma vie : à cause de la valeur absolue de l'intention morale, dans cet instant j'ai réalisé ma vie, je peux donc mourir.

Pour conclure : dans deux prochains billets, je présenterai en détails les disciplines de l'assentiment et des devoirs ainsi que les principes qui les dirigent (définition physique / amor fati et valeurs / clause de réserve / bien de la communauté). Et après cette digression dans les méandres de la philosophie stoïcienne, je reviendrai à des considérations plus ludiques sur la création de scénarios pour Agôn et comment les lier entre eux. Comme d'habitude, j'essaierai dans la mesure du possible de répondre à vos questions et d'apporter des éclaircissement sur tel ou tel passage.

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