dimanche 2 novembre 2014

Principes de la philosophie stoïcienne d'après les Pensées de Marc Aurèle

Avant-propos : la philosophie stoïcienne est une philosophie exigeante, que certains illustres personnages de l'histoire ont essayé d'appliquer tout au long de leur vie. Parmi ceux-ci se trouve Marc Aurèle, empereur romain, qui en guise d'exercices spirituels et pour se remémorer quotidiennement les principes qui devaient guider sa vie, a écrit ses "Pensées". En analysant ses réflexions quotidiennes, Pierre Hadot a, dans son ouvrage "Introduction aux Pensées de Marc Aurèle", présenté les principes fondamentaux à suivre pour appliquer également cette philosophie de vie. Après plusieurs semaines de lecture assidue, de multiples synthèses pour en extraire la substantifique moelle, je vous propose de vous en présenter l'essentiel à l'aide de schémas synthétiques visant à conserver plus facilement à l'esprit ces principes.

La philosophie stoïcienne propose à chacun, par l'application de plusieurs disciplines, de prendre conscience de son véritable Moi.

Disciplines


Les disciplines peuvent être divisées selon les trois thèmes suivants.

Discipline de l'assentiment

Il s'agit toujours d'examiner et de critiquer les jugements que je porte que ce soit sur les événements qui m'arrivent ou que ce soit sur l'action que je veux entreprendre. L'assentiment initie le mouvement vers le désir ou l'impulsion à l'action. Mais ceci est inséparable de l'adhésion intérieure à un certain jugement et à un certain discours prononcé au sujet des choses.

Les seuls jugements valides sont ceux qui reconnaissent le bien moral comme seul bien, le mal moral comme seul mal et que ce qui est ni bon ni mauvais moralement est indifférent.

Discipline de l'impulsion à l’action et du vouloir

Il s'agit de rester en cohérence avec soi, de faire ce que ma nature propre exige, ma nature d'homme, ma raison commune avec celle de tous les hommes (daimôn).

Elle consiste à suivre les préceptes suivants :
  • devoir d'aider spirituellement autrui,
  • lui révéler les vraies valeurs,
  • l'avertir de ses fautes,
  • redresser ses fausses opinions,
  • montrer à chacun la contradiction qui est la cause de sa faute.

Discipline du désir

Il s'agit de rester en cohérence avec le Tout, de refuser de désirer autre chose que ce que veut la Nature du Tout, la Raison universelle (loi interne de l'univers). Pour ce faire, il faut replacer chaque événement dans la perspective du Tout.

Processus de prise de conscience du Moi


Le schéma ci-dessous présente les différentes étapes nécessaires pour arriver à la pleine conscience du Moi.


L'exercice de regard d'en haut (nommé aussi vue cosmique de l'âme) consiste à aider à la prise de conscience du Moi en :
  • ramenant à leurs vraies proportions les choses indifférentes (santé, gloire, richesse, mort) dans la perspective de la Nature universelle,
  • révélant la splendeur de l'univers à l'homme,
  • contemplant la Nature du Tout et tout ce qui arrive conformément à ce qu'elle a voulu,
  • surveillant les actions des hommes pour dénoncer le caractère insensé de leur manière de vivre, en regardant les choses humaines dans la perspective de la mort : c'est cette perspective qui donne le détachement, l'élévation, le recul indispensable pour voir les choses telles qu'elles sont.

Circonscrire le Moi


Se circonscrire, c'est pratiquer un triple exercice:
  • dans l'ordre de l'assentiment, ne pas approuver les jugements de valeur influencés par le corps et le souffle vital,
  • dans l'ordre du désir, reconnaître que tout ce qui ne dépend pas de mon choix moral est indifférent,
  • dans l'ordre de l'action, dépasser le souci égoïste du corps et du souffle vital pour s'élever au point de vue de la Raison commune à tous les hommes et donc vouloir ce qui est utile au bien commun.


Il s'agit donc de circonscrire le moi en rejetant les différents cercles étrangers au moi. Ainsi, conformément au schéma ci-dessus, il faut séparer sa pensée :

  • de tout ce que les autres font ou disent,
  • de la crainte de l'avenir et du souvenir des maux anciens,
  • du plaisir et de la peine qui se produisent dans le corps. Le corps et le souffle vital sont imposés par le Destin. Ne pas donner son assentiment à ces émotions ni y ajouter de jugement de valeur,
  • du flot des événements en voulant qu'il arrive ce qu'il arrive, c'est-à-dire ce que le veut la Nature,
  • de ce qui n'est pas "tien" pour ne pas en éprouver de souffrance si on nous l'arrache.

La transformation de la conscience du monde entraîne une transformation de la conscience du moi, en délimitant notre vrai moi : rien ne pourra plus m'atteindre si je découvre que le moi que je croyais être n'est pas le moi que je suis.


Pour conclure : dans un prochain billet je présenterai ce que Pierre Hadot appelle "La Citadelle Intérieure", siège du jugement pour chacun, où se trouve sa vraie liberté et où chacune des trois disciplines doit s'appliquer. J'ai conscience que le lexique employé ici peut être assez obscur pour qui n'est pas familier avec les thèmes de la philosophie stoïcienne. N'hésitez pas à poser des questions dans vos commentaires, j'y répondrai en essayant d'expliciter plus concrètement tel ou tel terme.

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